Les camionnettes électriques face à la réglementation des 3,5 tonnes
Véritable colonne vertébrale du secteur logistique, la camionnette vit à son tour sa révolution électrique. Mais si les moteurs à zéro émission promettent un avenir plus durable, leur intégration dans les flottes d’entreprises reste semée d’embûches.
Le principal obstacle ? Le poids. Les batteries et moteurs électriques alourdissent considérablement les véhicules, les faisant souvent dépasser la limite des 3,5 tonnes imposée par la législation européenne pour les titulaires du permis B. Ce dépassement ne découle pas d’une surcharge de marchandises, mais bien du poids de la technologie embarquée.
L’Europe ouvre la voie aux 4,25 tonnes
Pour corriger ce déséquilibre, la directive européenne 2006/126/CE autorise les États membres à permettre la conduite de véhicules utilitaires électriques ou à hydrogène jusqu’à 4,25 tonnes de masse maximale autorisée (MMA) avec un simple permis B.
La France, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg et le Royaume-Uni ont déjà sauté le pas, offrant aux entreprises une marge de manœuvre supplémentaire pour électrifier leurs flottes. Tous les pays voisins de la Belgique appliquent donc déjà cette mesure de manière définitive.
Deux projets pilotes en Belgique
La Belgique, elle, avance plus prudemment. Le gouvernement fédéral a lancé, le 1er septembre 2023, un projet pilote de trois ans. Les conditions d’accès sont strictes :
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le conducteur doit être employé par une entreprise belge active dans la logistique ou possédant au moins neuf véhicules immatriculés ;
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chaque véhicule doit obtenir un certificat de participation délivré par le SPF Mobilité et Transports ;
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les entreprises participantes doivent transmettre tous les six mois des données d’utilisation (kilométrage, zones desservies, incidents, etc.).
En mars 2024, une deuxième mesure est venue compléter le dispositif : une exemption temporaire du tachygraphe pour les camionnettes électriques jusqu’à 4,25 tonnes engagées dans le projet pilote. Cette exemption n’est valable que pour les trajets effectués dans un rayon de 100 km autour du siège de l’entreprise.
Des leviers concrets pour la transition
Ces projets pilotes constituent un coup d’accélérateur pour la décarbonation du transport léger.
Ils permettent de contourner les freins administratifs tout en reconnaissant les spécificités techniques des véhicules électriques. Le fait de pouvoir conduire un utilitaire électrique de 4,25 tonnes avec un simple permis B constitue un atout majeur pour les entreprises.
Les coûts d’exploitation — recharge et entretien notamment — s’avèrent aussi inférieurs à ceux des véhicules thermiques, renforçant leur attractivité économique. Ces mesures traduisent une volonté d’adaptation réglementaire face à une technologie en pleine mutation.
… mais plusieurs freins persistent
Le tableau n’est pas entièrement vert. Plusieurs obstacles ralentissent encore la généralisation du dispositif.
D’abord, la fiscalité régionale crée des déséquilibres : en Flandre, ces véhicules sont exemptés de taxe kilométrique, contrairement à la Wallonie et à Bruxelles.
Ensuite, certaines communes interdisent encore l’accès aux véhicules de plus de 3,5 tonnes, y compris électriques, ce qui complique les livraisons urbaines.
Les syndicats s’inquiètent aussi de l’absence d’obligation de tachygraphe, qu’ils jugent indispensable pour garantir la sécurité routière et le suivi des temps de conduite.
Autre limite : le limiteur de vitesse. En Belgique, les utilitaires électriques de 4,25 tonnes relèvent de la catégorie N2, ce qui impose une vitesse maximale de 90 km/h, identique à celle des poids lourds. Nos voisins luxembourgeois, eux, ont choisi de les classer en catégorie N1 (jusqu’à 3,5 tonnes), leur évitant cette contrainte.
Une transition encore à confirmer
Au final, la Belgique reste prudente là où d’autres pays ont tranché. À ce jour, onze entreprises participent au projet pilote, pour un total de 14 véhicules. Sera-ce un échantillon suffisant pour tirer des conclusions valables, ou du moins intéressantes ?
Les résultats de cette expérimentation sont attendus fin 2026, au plus tôt.